Bonjour, je suis maître Yoda, de petite taille, de couleur verte, âgé d’environ 800 ans. Mon nom, Yoddha, en sanscrit, signifie « guerrier » et Yodea en hébreu « celui qui sait » … Allez, trêve de balivernes, arrêter de recopier Wikipédia je vais ; -)
Bas les masques, je vais vous dévoiler mon vrai visage. Je m’appelle en réalité Erhan KILICOGLU, je fais de la salsa depuis plus de 15 ans. J’ai choppé le virus Aïe Aïe Aïe de la danse (je pratique d’autres danses de couple, en particulier le tango argentin) à l’université de Strasbourg, j’ai eu des expériences d’enseignement de la danse, six ans à l’ENA, deux années à l’université de Strasbourg en 2005-2006 et quatre ans dans une association de salsa à Wallis-et-Futuna « Salsa Uvea ». Dans le milieu de la salsa à Strasbourg, je suis désormais plus connu comme le frère d’El Astico, le fondateur et l’enseignant de l’association Salsa Loca.
2- Il est de notoriété publique que vous êtes l’inspirateur (et pas l’aspirateur) du projet Salsa Loca. Pouvez-vous nous en dire plus ?Inspirez … Expirez … J’ai transmis la passion de la danse à mon petit frère, je lui ai donné quelques rudiments de danse et de salsa. Il était plus doué que moi et en quelques mois, il m’a impressionné, il est devenu d’un bien meilleur niveau que moi. El Astico a transmis à son tour cette passion à l’autre membre fondateur de l’association, à son ami Siavach. Celui-ci, la première fois qu’il m’a vu, m’a donné le surnom de maître Yoda, il est resté en vigueur depuis dans l’association, ce coquin voulait sans doute me glisser subtilement que j’étais de petite taille et âgé ; -) Mon frère m’a parlé de son envie de fonder une association, je l’y ai encouragé et je lui ai apporté une aide permanente, pendant des soirées lorsque j’étais là (j’ai vécu 4 ans dans le Pacifique), et à travers mes articles pour le site web. Je partage avec eux l’idée d’une salsa festive, pour tous, sans prise de tête entre porto et cubaine (Si, si, ça arrive qu’ils se prennent la tête entre eux …) et l’idée de garder un permanent sens de l’autodérision tout en faisant les choses de manière très responsable et sérieuse.
Mais si j’ai transmis une passion, ils me transmettent à leur tour leur énergie, leur envie de créer un espace associatif autour de la fiesta salsa, j’admire sincèrement ce qu’ils ont réalisé. Je suis entraîné grâce à eux dans l’aventure Salsa Loca dont ils sont les principaux acteurs. C’est le principe d’une ronde, d’une rueda, vous transmettez une énergie vers la gauche, côté cœur, puis comme un boomerang Paf elle vous revient en retour à droite ; -)
3-Maître Yoda, une totale maîtrise de la force peut-elle nous rendre meilleur danseur ?Cher petit padawan, minuscule scarabée, infime vermisseau ; -) En réalité, je ne me considère pas comme un excellent danseur comme mon frère par exemple ou d’autres. Je suis convaincu d’avoir les bases et la passion, ce qui est l’essentiel. La force pour moi, c’est la passion, l’envie permanente d’apprendre, de danser, de former une éphémère union basée sur la complicité avec sa cavalière, de faire retentir les accords d’une musique dans son corps, de transmettre cette énergie à quelqu’un pour en recevoir en retour le temps d’une suite d’accords musicaux.
Et en ce sens, le fait d’avoir la force de la passion de la danse, d’être toujours ouvert à l’autre, d’apprendre à maîtriser ses gestes et ton corps, te rendent meilleur danseur. Et de toute manière, quelque soit ton niveau et ton âge, y compris à 800 ans ; -) « Beaucoup à apprendre encore il te reste » … Si tu n’apprends plus rien, c’est que la vieillesse et la mort te guettent au coin de la rue …
4-Peux-tu nous donner un avis général sur la salsa à Strasbourg ?J’ai connu plusieurs générations, j’ai commencé au mythique « Café des Anges », anges déchus depuis ; -) Il n’y avait que cet endroit pour danser avec très peu de soirées spéciales le week-end. La salsa n’a cessé de se développer depuis, ce qui est une excellente chose, je ne pense pas que dans ce domaine, les choses étaient meilleures avant … Ayant beaucoup voyagé et dansé ailleurs, je trouve que la particularité de Strasbourg est d’avoir une culture de « salsa cubaine » plus riche qu’ailleurs, la salsa de type porto-ricaine est bien plus enseignée dans les autres contrées, ne serait-ce qu’en traversant le Rhin tout simplement.
5-Une anecdote sympatoche à raconter ?J’ai déjà eu l’occasion de la raconter dans un ancien article, mais je vais la raconter à nouveau. Je dansais la salsa à Sydney et à la fin du morceau, je demande son nom à ma cavalière, qui me dit s’appeler Ken, qui venait Ouf de survivre à une danse avec moi … Je lui demande d’où elle vient, elle se révèle « coréenne » et me répond en retour que je dois être sans doute « cubain ». Je suis stupéfait, c’est la première fois qu’on me dit ça, je lui demande pourquoi, elle me dit que c’est parce que j’ai le style cubain … Je précise donc que je suis bien français, turc d’origine et … alsacien d’adoption 😉 Danser la cubaine ne fait pas de vous un cubain, danser la porto ne vous rend pas porto-ricain, danser le tango argentin ne vous transforme pas Abracadabra en argentin de même que manger une pizza ne vous permettra pas d’appartenir à la patrie de Dante, et enfin dévorer un döner ne fera pas de vous un Turc ; -)
5-Une musique qui peut permettre d’acquérir la force plus facilement ?J’écoute peu de salsa à la maison, je préfère la musique classique, qui brasse selon moi un spectre d’émotions plus large, plus profond, plus nuancé que la salsa. Ce sont mes pieds de danseur plus que mes oreilles qui apprécient la salsa 😉 Toute musique permet d’acquérir de la force, elle permet selon moi de faire ressentir aux organes du corps (l’oreille, le cœur, le cerveau, etc …) des vibrations harmonieuses, une sorte de terre idéale où les particules en nous se reconnaissent, se coordonnent et vibrent en résonance.
Je vais puiser dans le répertoire du « son cubain », ancêtre de la salsa. Comme beaucoup de ma génération, j’ai beaucoup aimé le film « Buena Vista Social Club » et de tous les artistes, mon préféré était Ibrahim Ferrer dont la pudeur, la tendresse, la délicatesse crevaient l’écran. Ecoutez donc « Dos Gardenias », qui raconte l’histoire simple d’un amoureux timide qui offre deux gardénias (en langage des fleurs, le gardénia est l’amour inavoué, la timidité) à sa bien-aimée, qui espère que son don va être accepté. Vous entendrez un cha-cha-cha subtil, suave, vous entendrez le doux son du cœur de l’amoureux Ibrahim Ferrer battre ; le vôtre battra à l’unisson et en vous s’infusera la force de l’apaisement.
Dos Gardenias d’Ibrahim Ferrer
7-Des conseils pour les jeunes padawans, maître Yoda ?Respectez la musique, j’ai eu parfois l’occasion de voir des danseurs faire des choses infiniment complexes mais hors rythme, ce qui est une hérésie. Or la musique est première, vous devez vous couler en elle, c’est elle la Force première qui vous entraîne et non l’inverse. Et sortez pour pratiquer, c’est la seule manière de progresser, répéter infiniment le même geste jusqu’à ce qu’il devienne naturel, entraîné comme par magie par la musique, les vibrations, le tempo. Dernier conseil, certes « Personne par la guerre ne devient grand » mais « Tout le monde par la joie de la danse s’élève ».
Et si jamais je ne vous vois pas appliquer mes conseils, la prochaine fois que je vous vois sur la piste de danse, ce sera Pan Pan Cul Cul 😉 Et sur ce …
Hopla, salü bisàmme